Riposte au COVID19 : les recommandations du Consortium STEF

Le 05 novembre 2020, les organisations de la société civile qui se réunissent pour le suivi de la transparence et de l’effectivité des fonds alloués contre la pandémie du Covid19 , STEF, ont sorti le 3e bulletin d’information sur leurs actions. Cette parution rapporte les observations et les recommandations de la société civile dans le pilotage et la coordination de la lutte contre le COVID19.

Figurant parmi les piliers du Système National d’Intégrité (SNI), la société civile est un regroupement de citoyens engagés souhaitant apporter un changement positif face aux enjeux relatifs à la bonne gouvernance. Son rôle est d’éduquer, de sensibiliser, de mobiliser les acteurs, de mener des plaidoyers et d’influencer les politiques publiques pour l’intérêt général, de défendre les intérêts des citoyens, d’interpeller toute forme de dérives et de saisir les autorités et juridictions compétentes lorsqu’il le faut. Du fait des impôts et taxes que les citoyens paient, de la liberté d’association accordée par la Constitution, du vote auquel chaque électeur participe et s’est attendu à bénéficier des actions de leaders politiques intègres et compétents, il est tout à fait légitime et légal que la société civile réclame la transparence et la redevabilité dans la gestion des fonds publics, et spécifiquement dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID19.

Dans ce sens, le consortium STEF analyse et émet des critiques constructives par rapport aux réponses apportées par l’Etat à la pandémie, fournit des recommandations pour leur amélioration en veillant constamment à l’application de la loi.

Priorisation des actions et transparence dans la gestion des fonds :

A travers ce bulletin n°03, la société civile souhaite attirer l’attention de tous sur les faits suivants :

– L’ensemble des structures (Comité de Pilotage, Comité Consultatif, Cellule Mixte Anticorruption,Cellule de veille, …) du PMDU ou Plan Multisectoriel d’Urgence tarde à voir le jour, quatre mois après son adoption. En dépit de l’annonce de leur mise en place et de la précision du mode de fonctionnement via un arrêté ministériel, le consortium STEF constate l’inexistence de consultation et de concertation autour de la mise en place des instances du PMDU et du fonds de riposte.

– A ce jour, certaines dépenses COVID19 ne sont ni traçables ni dissociables des autres catégories de dépenses. Depuis le mois de juillet, le fonds COVID19 n’a pas été opérationnalisé et les dépenses relatives au COVID19 proviennent de la caisse d’avance unique et exceptionnelle pour le CCO-COVID19 et des budgets des ministères sectoriels.

– En termes budgétaires, le PMDU revêt plus un caractère économique que sanitaire au vu des priorités budgétaires définies par l’Etat dans sa mise en œuvre, notamment avec la construction d’infrastructures (35% du budget) et l’appui transversal au secteur privé (25%). Il met également en avant l’atténuation de la crise, surtout les mesures d’urgences sociales (16%). Cependant, force est de constater que l’appui au système sanitaire est insuffisant (9%). De même, les moyens déployés pour le contrôle et la lutte contre la corruption sont largement insuffisants, avec seulement 0,01% du budget total.

De l’organisation :

La multiplication des structures et l’absence de textes précisant leurs rôles et missions ont entrainé un empiétement des responsabilités. Pour faire face à la COVID19, l’Etat a fait le choix

  • Adoption du décret n° 2020-725 portant sa création en Conseil de gouvernement, le 02 juillet 20202 de mettre en place de nouvelles structures telles le CCO COVID19 et de ses démembrements au niveau des régions, mais également des Comités Loharano. Le Ministère de la Santé Publique a été mis en arrière-plan en dépit de l’existence du Comité National de Coordination de lutte contre les épidémies majeures (CNC-LEM), du Quartier Général Opérationnel (QGO) et de ramifications du Ministère de la Santé Publique jusqu’au niveau communautaire, qui auraient pu être capitalisés et renforcés pour faire face à la pandémie de COVID19.
  • Toutefois, la mise en place des CRCO a amélioré la décentralisation de la prise de décision notamment au niveau des maires, des préfets, des chefs districts et des gouverneurs et chefs de région.
  • Le MSAN au sein du CCO-COVID19 a tout de même coordonné le plan de riposte contre la COVID19 sur le plan sanitaire, notamment à travers la Direction de la Veille Sanitaire et de la Surveillance Épidémiologique et Riposte (DVSSER) qui est chargée d’assurer une riposte rapide et efficace en cas d’épidémie ou de catastrophes. Conséquences, notamment, du manque de budget alloué au système sanitaire, les défis ont été multiples: Le manque important en blouses de protection, lunettes de protections, masques et appareils respirateurs et désinfectants. En raison de cette insuffisance, les EPI, bien que non recyclables, ont été lavés et ré-utilisés pour une deuxième voire une troisième utilisation. Ce manque de matériels de protection a conduit à une contamination du personnel de santé au sein de trois centres de santé.
  • Malgré les dispositions prises par l’Etat, le mois de juillet 2020 a été particulièrement difficile à cause des demandes accrues en traitement et en médicaments : insuffisance de stock de médicaments, déploiement d’un marché noir, favorisé par une coordination à multiples têtes d’approvisionnement officiel. La rupture de stocks de médicaments et des intrants indispensables au traitement est inévitable et se fait ressentir dans tout le pays, avec des périodes d’épuisement de réserves pour les pharmacies. Le Premier Ministre s’est plaint du trafic de médicaments importés par le gouvernement malgache, spécifiques pour le pays, qui sont vendus au marché noir à Ambohipo, mais quelles mesures ont-elles été prises face à cela ,
  • Malgré la différence dans les approches et les stratégies par rapport au PMDU, le plan de riposte du Ministère de la Défense Nationale n’en demeure pas moins complémentaire du PMDU et aurait pu renforcer l’efficacité des mesures socio-sanitaires de ce dernier si réalisé par l’exécutif.
  • Les FDS (Gendarme, Police, Armée) ont été mobilisées dans l’implémentation et le suivi du respect des mesures édictées par l’Exécutif, particulièrement dans l’application de la limitation des libertés publiques et pour le suivi du respect de la distanciation sociale et des gestes barrières.
  • Bien qu’étant un acteur principalement opérationnel, le MDN a également émis ses propositions d’ordre stratégique par un plan de riposte contre la pandémie en complément du PMDU, préconisant la mobilisation générale et immédiate de tous les acteurs et des ressources nationales et internationales.
Les recommandation de la société civile :

La société civile et les OSC regroupées dans le consortium STEF recommendent ainsi :

– La mise en place et l’opérationnalisation effectives des instances au niveau du PMDU et du fonds COVID19 ;

L’intégration des différents acteurs tels que la société civile, le secteur privé et la communauté scientifique dans le processus de prise de décision pour une meilleure participation et concertation autour du PMDU, particulièrement pour la relance économique et sociale ;

– L’opérationnalisation du fonds de riposte COVID19 et l’intégration de l’ensemble des dépenses liées à la COVID19 ;

– Une évaluation intermédiaire de tous les aspects de la riposte pour pouvoir amener les corrections nécessaires ;

– Le renforcement des moyens à disposition des organes de contrôle de la régularité des passations des marchés publics ainsi que des organes de lutte contre la corruption ;

– Le renforcement de l’organisation de la lutte contre la COVID19 pour éviter une éventuelle résurgence de la crise, en limitant et en capitalisant sur les structures existantes, précisant les rôles et responsabilités par le biais de textes règlementaires ainsi que le mode de fonctionnement du comité de PMDU par le biais d’un arrêté.

STEF réitère que l’urgence ou le fait que la pandémie reste d’actualité ne devait pas aller de pair avec l’illégalité, même si des restrictions de droits sont permises. L’urgence ne doit pas mettre en suspens, et renforce au contraire, le devoir de redevabilité des dépositaires du pouvoir public et l’impératif de respect des règles de la bonne gouvernance qui doivent prévaloir en tout temps.

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