L’entreprenariat social, l’avenir des OSC ?

La levée de fonds constitue un enjeu majeur pour les Organisations de la Société Civile (OSC) en général, et les OSC malagasy n’échappent pas à cette réalité. A l’exception de quelques donations de fondations, entreprises et autres clubs, ainsi que de la participation en biens et services de la part d’organisations notamment religieuses, les OSC malagasy rencontrent difficilement les ressources pour se financer localement. Ici se cristallise la dépendance des OSC aux financements des bailleurs de fonds (Partenaires Financiers et Techniques) : leurs activités et parfois même leur existence, sont conditionnées à l’obtention de subventions aux guichets des PTF présents sur le territoire.

Cette réalité présente plusieurs menaces. La première, tient au risque de transformation des OSC en simples prestataires de service des PTF, perdant de vue leurs propres objectifs, trop occupés à poursuivre ceux de leurs bailleurs et pour se garantir des financements.

Ce faisant, ce ne sont plus aux priorités et nécessités perçues localement que les OSC répondent, mais davantage aux thématiques déterminées pour elles au niveau international : cela affecte à la fois leur légitimité et la pertinence des initiatives qu’elles proposent à leur groupe cible. A cela s’ajoute le risque de raréfaction des financements des bailleurs classiques, qui, comme l’actuelle pandémie l’a montré, sont susceptibles de concentrer leur aide au traitement de l’urgence : c’est ici l’existence et la pérennité des initiatives des OSC qui est menacée.

Allier social et business, une autre alternative?

Dans ce contexte, l’entreprise sociale (ou social business) apparaît être une bonne alternative, et au moins une stratégie de pérennisation pertinente pour les OSC. En mettant l’efficacité économique au service de l’intérêt général, l’entreprise sociale réinvestis l’ensemble de ses bénéfices au profit de sa mission sociale ou environnementale, tout en relevant le défis de la pérennité.

A l’intersection des logiques de l’entreprise, du marché, du social et du service public, l’entreprise sociale trouve son application dans la la quasi-totalité des secteurs : eau, hygiène et assainissement, nutrition et sécurité alimentaire, santé, éducation, etc. Ses bénéficiaires directs peuvent être à la fois les clients (à qui est offert le service essentiel ou le bien à bas coût), les salariés (recrutés sur la base de critères de vulnérabilité), les fournisseurs (en leur assurant des revenus stables, ou en aidant à structurer une filière), mais aussi l’environnement (en le préservant), ou des personnes extérieures (comme les populations riveraines).

L’entreprise sociale Nutri’zaza, accompagnée dans le cadre du programme FANAINGA, est un bon exemple à cet égard. Après 10 ans d’intervention en tant qu’association, cette initiative nutritionnelle infantile a su se structurer sous une forme plus pérenne, dans un modèle de gouvernance innovant.

L’aliment de complément adapté aux besoins des enfants de 6 à 24 mois autrefois proposé par l’association, est aujourd’hui disponible à très faible coût dans les « Hotelin-jazakely », tenus par des femmes. Cette opportunité de travail assure des revenus fixes ainsi qu’une couverture sociale aux femmes employées. Par ailleurs, tout en étant un lieu d’échange privilégié entre mères, les lieux d’approvisionnement sont aussi des lieux dédiés à la sensibilisation aux bonnes pratiques alimentaires.

L’aliment riche en nutriments est quant à lui composé de matières premières locales, produite par une entreprise locale. Le bilan est donc sans appel : le passage à l’entrepreneuriat social a permis à cette structure de poursuivre son objectif d’intérêt général, tout en sortant de la « logique projet » des financements des PTF, qui ont tendance à borner les initiatives dans le temps. Ainsi, Nutri’zaza a créé les conditions nécessaires au changement structurel, plutôt que de se maintenir dans une logique de mitigation.

Les enjeux de l’entreprisse sociale restent importants à Madagascar, entre les arcanes administratifs à gérer et la question omniprésente de la viabilité économique. Il s’agit d’identifier des investisseurs en mesure de comprendre la vision et l’intérêt général de l’initiative, et de les convaincre de ce que, dans les secteurs qui lient l’économique au social, la distinction entre OSC et entreprise est à relativiser.

L’accompagnement technique de ces structures resterait l’apanage des PTF, lorsque leur financement proviendrait d’un panel plus large d’investisseurs.

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