Protection de l’environnement : « Nous avons besoin d’une culture du bien commun »

La ministre de l’Environnement et du développement durable, Baomiavotse Vahinala RAHARINIRINA, était l’invitée du débat citoyen organisé par fanainga le 21 aout 2020. Ce débat était ainsi consacré à la protection de l’environnement et portait une attention particulière au rôle des citoyens dans cette protection et dans le développement durable.

Pour discuter de cette thématique, nous avons également invité Louis de Gonzague RAZAFIMANANDRAIBE, Président national du réseau Tafo Mihaavo ; Lalà Rasanjison Leader du mouvement «. Sauver Andraikiba » Antsirabe et Jean Gabriel RAHARINIRIKO, Président de l’association TAMIA Atsimo-Andrefana.

Cette rencontre a permis ainsi aux intervenants d’apporter leur vision sur la gestion des ressources naturelles et les mesures prises pour responsabiliser les citoyens dans la protection de l’environnement.

Depuis la seconde moitié des années 1990 à Madagascar, la politique publique a commencé à introduire la gestion communautaire comme approche de conservation et protection de l’environnement dans un objectif de réorganiser les rapports entre les individus, les communautés locales et l’État mais surtout aussi de promouvoir la responsabilisation citoyenne pour la préservation de l’environnement. Cela a conduit à la mise en place de la loi sur la gestion locale sécurisée, GELOSE.

À travers la loi GELOSE, loi 96-025 du 30 septembre 1996 relative à la gestion locale des ressources naturelles renouvelables, la gestion communautaire est devenue l’un des principes de base de la politique environnementale à Madagascar. Cette loi portant Gestion des ressources naturelles renouvelables cadre le processus de transfert de gestion de ces ressources (TGRNR), de l’administration Forestière vers les structures appelées Communautés Locales de Base (CLB) ou en malagasy Vondron’Olona Ifotony (VOI).

La mise en place de la loi GELOSE et motivée par la prise de conscience que l’État ne pourra pas tout seul gérer l’étendue du territoire malgache. On compte ainsi en ce moment 1374 transferts de gestion aux communautés de base. Cette approche vise à conserver la biodiversité à travers les droits exclusifs sur les ressources naturelles accordés aux communautés détentrices des droits traditionnels sur ces ressources.

En effet, la gestion locale et participative est développée afin de pouvoir impliquer et de responsabiliser les acteurs à la base pour mieux gérer et utiliser de manière durable les ressources naturelles à travers les outils de gestion favorisant leur protection, leur valorisation et leur restauration. Un tel choix repose sur les faits que les communautés sont les mieux placées pour protéger les ressources et que les droits/ valeur/ croyance traditionnelle et/ou les bénéfices qui découlent de l’exploitation commerciale vont motiver les communautés à mieux les conserver.

Nombreux sont donc les groupements et communauté de base qui œuvre pour la protection de l’environnement qui sont régis par cette loi, tels que certains membres de Tafo Miahavo.

Présentation de Tafo Mihaavo

Ce réseau est constitué de Fokonolona qui protège la biodiversité à Madagascar. Il est composé de 535 organisations de la société civile. Son but est de donner aux Fokonolona un environnement sain et la possibilité de gérer rationnellement les ressources naturelles. De même pour l’association Tamia. Créé en 2008, l’association regroupe plus de 700 membres dont 550 femmes. Elle est le gestionnaire de l’aire protégée de Tsinjoriake qui s’étend sur 5884Ha.

La protection de l’environnement, un travail sur le terrain au quotidien

La gestion et la protection des ressources naturelles nécessitent en premier lieu l’adhésion de la population. C’est ainsi que l’association Amita privilégie les dialogues et les actions de sensibilisation dans la mise en œuvre de leur stratégie de protection.

Selon Jean Gabriel Rahariniriko, président de l’association : « Tamia avait fait une prospection et organisait un dialogue pour avoir les informations sur le ressenti de la population par rapport au changement climatique. Les habitants des zones concernées par notre association ont constaté une baisse de la production agricole et de la pêche. Il leur a été donc informé que ces changements étaient dus à la dégradation et la surexploitation de la forêt.»

Pour le mouvement Sauver Andraikiba, qui est pour rappel né sur les réseaux sociaux et qui regroupe en ce moment 3200 personnes, ils ont constaté qu’il existe des VOI locales autour du lac d’Andraikiba qui sont censés protéger l’environnement de ce lieu, mais cela n’a pas empêché les citoyens de faire des sensibilisations sur le terrain à Andraikiba. Leurs actions ont commencé par le reboisement autour du lac.

« Nous avons négocié un partenariat avec la direction régionale de différents ministères, la JIRAMA, le DREDD. La sensibilisation devient ainsi une activité permanente. Nous adoptons une stratégie de sensibilisation basée sur des actions concrètes. » précise Lalà Rasanjison, initiatrice du mouvement.

La ministre de l’Environnement et du développement durable, Baomiavotse Vahinala Raharinirina a donc précisé que Madagascar dispose d’un cadre légal composé de divers codes et lois dans la gestion des ressources naturelles. Afin que nos ressources naturelles deviennent des véritables atouts pour le développement durable, son département adopte en ce moment une stratégie qui favorise la gouvernance décentralisée. Les transferts de gestion sont ainsi un des grands axes que le ministère souhaite développer.

Mais ces transferts de gestion ne sont pas toujours efficaces car ils ne sont pas suffisants, il faut également un transfert de connaissances en parallèle. Les Communautés de base en ont besoin en plus de leurs savoirs locaux. Les communautés de base ont besoin de connaître les nouveaux enjeux dans le secteur de l’environnement. Une des stratégies mises en place est l’IEC (Information, Éducation, Communication) pour aider les citoyens à comprendre les nouveaux défis en matière de protection de l’environnement.

La ministre a rappelé que Madagascar est très dépendant de sa biodiversité. «90% des touristes viennent à Madagascar pour visiter les aires protégées. 12% du PIB provient de l’exploitation de ces aires protégées. La population malgache dépend en grande partie de ces ressources naturelles. » d’après elle.

Approche multi-acteur : la coopération, clé d’une gestion équitable

En plus des communautés de base, le secteur privé doit être intégré dans le système de gouvernance des ressources naturelles. Le Ministère assure le contrôle et la réglementation mais la responsabilité est partagée. Jusqu’au recrutement d’agents forestiers supplémentaires, il faut la gestion partagée des ressources naturelles.

« Nous avons besoin de vulgariser une culture du bien commun pour le développement durable. Nous devons également assurer notre responsabilité morale, et le Ministère appelle tous les acteurs à la prise de responsabilité vis-à-vis de la gestion des ressources naturelles. » tenait à préciser la ministre.

Pour Tafo Mihaavo, il est important de mettre en valeur et responsabilité des Fokonolona. Le transfert de gestion des ressources naturelles comprend les forêts et les aires protégées, mais il faut également intégrer les terroirs et l’aspect socio-économique qui assure la survie des populations locales.

Le secteur économique devrait en effet faire partie des enjeux du transfert de gestion. Il est essentiel de trouver un moyen de créer des emplois au niveau communautaire et promouvoir l’économie verte et l’économie bleue. Pour cela, il est nécessaire de promouvoir la chaîne de valeurs et les filières par région, par zone, mais le Ministère n’a pas le budget nécessaire pour appuyer les projets d’économie verte. Les partenariats devraient être mis en place pour gérer de manière efficace les ressources naturelles, pour diminuer les intermédiaires entre producteurs et consommateurs, et améliorer la situation socio-économique des communautés de base.

Le Ministère améliore la communication dans ce secteur et lance ainsi un appel au secteur privé. La politique de gouvernance des ressources naturelles a été trop centrée dans une approche trop préservative qui a empêché la gestion en vue d’une approche socio-économique.

Louis de Gonzague Razafimanandraibe lance ainsi un appel : « les jeunes et les femmes sont les plus actifs dans la gouvernance des ressources naturelles de manière optimale, nous demandons à la société Civile et aux partenaires de prendre en compte ce rôle important des femmes et des jeunes dans cette gouvernance environnementale. » Au président de Tamia d’ajouter qu’il ne faut pas non plus oublier les personnes en situation de handicap, car ils ont leur responsabilité à prendre dans cette stratégie.

Également, bien que le Fokonolona soit très actif dans la protection de l’environnement, si les autorités ne prennent pas assez leur responsabilité, les actions entreprises ne seront jamais suffisantes. Il est également important de promouvoir le partage d’expérience entre les régions, c’est l’une des composantes de l’efficience d’une formation d’action plus pragmatique.

Le débat citoyen est également une occasion pour le public d’interagir avec les intervenants. Lors de ce débat donc, le statut spécifique du foncier communautaire était abordé par un internaute qui suivait le débat en direct sur la page Facebook de Fanainga.

Tous les intervenants s’accordent à dire que la situation reste difficile. Le droit foncier reste un problème pour les collectivités de base. Très peu de terrains ont des titres légaux, le coût de l’enregistrement au registre foncier reste difficilement accessible pour les populations locales.

Un autre sujet soulevé par le public lors de ce débat est l’exploitation minière. Selon la ministre de l’environnement « le Ministère est en train d’élaborer un projet de décret d’amélioration du partage des responsabilités en matière de la gouvernance des mines. En effet, il faut augmenter le transfert de gestion au niveau régional. Les communes rurales qui sont les premières à subir les conséquences de ces exploitations minières doivent avoir plus de pouvoir dans la gouvernance minière »

Le président de Tafo Mihaavo rejoint ainsi cette affirmation et a apporté quelques recommandations sur l’amélioration sur la mise en œuvre des dispositifs du code minier qui ont des impacts sur la protection de l’environnement. « Les dispositions sont conformes aux demandes des communautés locales mais leur application réelle devrait être renforcée. » souligne-t-il.

Changement de paradigme

« Ce que nous vivons en ce moment est la conséquence d’une irresponsabilité collective depuis des dizaines d’années. Cette année, la thématique adoptée est le reboisement communautaire, le ministère de l’environnement et tous les acteurs sont appelés à agir davantage dans la mise en œuvre de cette politique. » lance la ministre de l’environnement.

Lalà Rasanjison de Sauver Andraikiba appelle ainsi à une concertation pour élaborer une nouvelle base dans la protection de nos ressources naturelles : « Nos lois datent des années 60. Ils ne correspondent plus à notre réalité actuelle et ne suffisent pas d’anticiper l’avenir. »

Tafo Mihaavo et Tamia demandent que le dinam-pokonolona (en vue de protection de l’environnement en tant que bien commun) ait le même statut et une même force que le dinam-pihary (pratiqué dans la protection d’un bien personnel). « Il manque souvent de charge une fois que les plaintes sont présentées face aux réglementations légales et devant la justice. » précise Louis de Gonzague Razafimanadraibe.

Ce dialogue a été animé par Joary Niaina Andriamiharimanana, conseiller en cadre légal et institutionnel auprès du programme Page/GIZ. Ce débat marque la première collaboration inter-projet entre Fanainga et le Page, deux programme mis en œuvre par la GIZ.

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