COVID 19: Les organisations de la société civile, en première ligne contre une crise multidimensionnelle

Le deuxième débat citoyen en ligne organisé par Fanainga s’est ténu le vendredi 12 juin 2020, et qui a vu la participation de 4 représentants d’organisation de la société civile travaillant dans différentes régions de Madagascar. Les intervenants dans ce débat retransmis que le public a pu suivre sur la page Facebook de Fanainga étaient

–              RAFANOHARANA Colas Émilien, Coordinateur interrégional d’ASOS basée à Tuléar;

–              RASOALANDINIRINA Olga, Présidente de l’association HAONASOA à Haute-Matsiatra et aussi représentante élue des OSC auprès du COPIL Fanainga;

–              RAKOTONARIVO Mieja Vola, Coordinatrice de l’entreprise sociale Nutrizaza.

–              RANAIVO Anselme Fanja, Directeur exécutif de l’Association Koloaina basée à Antananarivo ;

Ils ont discuté des actions des OSC avec les groupes les plus vulnérables en cette période de covid19. Ce thème fait ainsi suite au premier débat citoyen qui s’est déroulé le 29 mai 2020.

En effet, ce débat visait à mettre en avant l’intervention de la société civile sur le terrain dans ce contexte de pandémie en plus de son rôle d’observateur de la politique publique. Du fait de leur présence sur les terrains et intervenant auprès des communautés de base, les OSC peuvent dresser un constat a propos de la crise et comment elle est en train d’affecter la population, surtout les couches les plus vulnérables.

Lors de ce débat, les intervenants ont mis en exergue que la crise sociale et économique résultats de cette pandémie touchent à la fois la population rurale que celle qui vit en milieu urbain.

La population rurale, victime oubliée de la crise :

Les informations ainsi que les mesures prises pour lutter contre cette maladie concernent souvent des grandes villes de Madagascar, considérées comme épicentres de la pandémie. Il est pourtant erroné de croire que les paysans et la vie sociale et économique en milieu rural ne sont pas concernés par cette crise sanitaire nationale.

Mobilisée dans la région Haute Masiatra, l’association Haona Soa travaille à la fois dans les villages qui bordent le corridor et dans les grandes villes de cette 7e région la plus peuplée de Madagascar. L’arrivée du coronavirus correspondait justement à la période de récolte dans cette région agricole, selon Olga. Les agriculteurs ont eu le temps de finir la moisson, avant que les mesures de confinement strictes et restriction ont été imposées.

Malheureusement, ces mesures les ont empêchés de transporter et d’écouler leurs produits au marché. Les paysans ont ainsi de quoi manger mais n’ont pas assez d’argent pour subvenir aux autres dépenses familiales telles que les achats de médicaments et les frais scolaires des enfants par exemple.

La coordinatrice d’Haona Soa soutient donc : « On observe notamment le manque d’information sur ce virus dans ces petits villages à la campagne, ce qui a engendré beaucoup de crainte auprès de la population. Cette peur et cette incertitude ont poussé les agriculteurs à réduire leurs activités dans les champs. On s’inquiète alors que cela aura un impact sur la production future. »

Dr Colas Émilien décrit la situation de chaotique dans les zones d’intervention de l’ASOS : « le sud est déjà un problème, donc cette crise sanitaire est tout simplement néfaste pour la population et la situation socio-économique et sanitaire dans cette partie de Madagascar, surtout pour la population en zone rurale. Le système de santé est confronté à une épreuve indescriptible. En plus de cela, la détérioration socioéconomique est catastrophique » souligne-t-il.

Dans cette période de crise sanitaire, il est important selon ce coordinateur de l’ASOS de redéfinir la vulnérabilité car dans le cas du covid19 précisément, ce sont les personnes avec des problèmes de santé et les personnes âgées qui sont considérées comme les plus vulnérables. Il évoque également un autre problème minoré. « Pendant que tout un système de santé est mobilisé pour faire face au coronavirus, le paludisme tue des 50 aines de personne dans le sud. Il fait donc plus de victimes que ce nouveau coronavirus »

La crise ne prouve pas seulement la faiblesse de notre système de décentralisation mais révèle aussi la défaillance dans notre gestion de la pandémie, et tout notre système de santé est à revoir. »Il parle donc d’une crise multidimensionnelle car non seulement, elle affecte la santé mais aussi le plan social et économique. Une description à laquelle chacun des intervenants à ce débat en ligne s’accorde.

Pour illustrer cela, Olga d’Haona Soa a pris l’exemple des communes rurales qui sont à court de trésorerie car elles n’arrivent plus à percevoir les impôts et ristournes sur les produits agricoles car les agriculteurs n’ont pas d’argent pour payer ; puis avec l’interdiction de circuler, les collecteurs ne viennent pas vers les producteurs pour acheter les produits.

Fanja Anselme parle aussi de la dimension juridique, organisationnelle et sociale de la crise. Il a pris l’exemple du manque de statistique qui a handicapé la distribution de Tosika Fameno : « les autorités  ont demandé aux personnes vulnérables de se présenter avec une carte d’identité nationale pour pouvoir bénéficier de cette aide de l’État. Pourtant, la plupart de cette couche de population n’en a pas pour des diverses raisons. La crise a donc laissé apparaitre un vide juridique et aussi une certaine incapacité à se concerter pour une action cohérente dans le système de soutien social. »

Une crise qui touche la population urbaine

Pour Koloaina qui intervient dans les bas quartiers d’Antananarivo avec les couches de population les plus vulnérables, elle déplore également le manque d’information adaptée à la population sur cette maladie. « La déclaration a été fait trop à la hâte, surtout la limitation de se regrouper, la limitation de circuler et la réduction du temps de travail. Comme la plupart de la population vulnérable habitant dans ces quartiers vivent des petits travails journaliers, ils ont vu leur revenu diminué brusquement. Et en plus, ils n’ont pas d’épargne, ce qui rend leur quotidien encore plus difficile » affirme Fanja Anselme Ranaivo.

Les agents de Koloaina ont remarqué que le manque de préparation psychologique était flagrant face à cette pandémie. Les mesures prises ne correspondaient pas à la réalité de la population. Les personnes vulnérables se sentent plus victimes que d’être protégés par le plan d’urgence. C’est pourquoi, au début de cette urgence sanitaire, les gens ne se sentaient pas concernés par la maladie, pourtant, ils sont les premiers à en subir les conséquences.

Mieja Vola de Nutrizaza a pris en exemple les cas des familles des bas quartiers d’Antananrivo. Si Nutrizaza travaille d’habitude dans la lutte contre la malnutrition infantile à Madagascar, la crise n’a fait qu’accentuer la malnutrition dans les familles ces quartiers pauvres de la capitale. « Quand la crise a commencé, nous avons fait une enquête. On a vu que 75% de notre cible, c’est-à-dire plus de 6000 familles, ils ont vu leur revenu diminué drastiquement. On a vu l’augmentation brusque de prix des PPN dans les quartiers populaires de la ville d’Antananarivo. Les familles ont donc vu leur charge augmentée avec le confinement, et la population affronte cette difficulté financière chaque jour en mode survie. Les familles priorisent les dépenses et ont dû  consacrer presque la totalité de celles-ci dans l’achat de nourriture. »

Par manque d’argent et aussi, comme les autres intervenants l’ont remarqué, les gens ont peur de se rendre dans le centre de santé par peur d’être diagnostiqués positifs au test du coronavirus. Mieja Vola insiste aussi donc qu’il faut pallier ce manque d’information sur ce virus. L’enquête menée par Nutrizaza a également fait savoir une recrudescence des violences familiales.

La mobilisation :

Pour faire face à tout cela, Nutrizaza a changé sa manière de travailler. « En premier lieu, pour nos animatrices, issue de ces quartiers, nous avons dû les aider pour qu’elles puissent intervenir en toute sécurité et quiétude. On a dû également réorganiser notre manière de travailler en accord avec le confinement et les contraintes de déplacement. Nous avons donc fait des campagnes de sensibiliser sur le coronavirus en plus de la campagne sur la nutrition et la santé infantile. Cette fois-ci, nous avons partagé des plats familiaux à bas prix avec 300000 bouillies fortifiantes pour enfants distribués à 100 ar.

La Haute-Matsiatra fait partie des premières zones confinées à cause du covid19. Face à l’urgence donc, les autorités locales et les Osc ont tout de suite uni leurs compétences afin d’endiguer la propagation du virus auprès de la population. Olga précise donc que : « Nous, OSC qui travaillent dans la région, avons été sollicité par les autorités. Depuis le début du plan d’urgence local, nous avons travaillé avec le gouvernorat de la région dans la conception et la mise en œuvre de ce plan. Nous avons tout de suite compris qu’il faut que les autorités locales deviennent les leaders de la riposte. Avec 3 autres OSC de la région, Haona Soa a interpellé le gouvernement central par rapport à cela. »

Malgré la mise en place du plan national et les consignes venant du gouvernement en effet, il y avait une mauvaise coordination car ces consignes ne prenaient toujours pas en compte la réalité sur le terrain. « Dans cette collaboration locale donc, nous soutenons le gouvernorat dans la communication et dans la sensibilisation et cela a eu un impact positif.  Les OSC locales ont concocté par exemple une stratégie de communication adaptée à la culture et les habitudes de la population, surtout aux communautés rurales, avec des spots en dialectes locaux. On a aussi appuyé les personnels de santé en matériels médicaux et sanitaires, comme les EPI, les désinfectants. » ajoute-t-elle.

La mobilisation conjointe de la société civile et les autorités locales contre cette pandémie s’est fait aussi dans le sud. Les OSC essaient d’apporter leur contribution et rester proches du Centre de commandement Opérationnel régional pour avoir les bonnes informations sur le terrain avant d’intervenir. Mais Colas Émilien est aussi conscient qu’il y a une limite à leur capacité d’intervenir telle que la viabilité organisationnelle des OSC. « On a travaillé avec le CCO, on connaît la situation, donc on a défini comment va-t-on intervenir sans pour autant dépasser les seuils de sécurité. On arrive à s’aligner avec la stratégie comme le fait d’apporter notre cellule communication et notre expertise en stratégie d’action, ou notre savoir-faire à la mise en œuvre les études de terrain »

La crise, une opportunité pour unir les forces :

Pour Olga, en cette période, il faut une solidarité entre les OSC. Il se peut que chaque OSC ait sa spécialité et sa stratégie mais il faut une complémentarité. « On pense déjà à l’après crise, et les discussions sont déjà engagées entre les OSC pour pouvoir proposer un plan de récession aux autorités et travailler avec eux dans sa réalisation. »

Dr Colas Émilien confirme que la crise nous sert de leçon, avec son caractère imprévisible. « Cela a provoqué des réflexions. Il faut se baser sur la prise d’initiative sans attendre les aides financières, agir avec un bon timing et savoir prendre des risques et s’impliquer dans les actions sans attendre les PTF. »

Pour Fanja Anselme, cette période de crise liée au cov id19 est une occasion pour justifier l’utilité de la société civile. Il tient pourtant à assurer que la société civile doit travailler avec les autorités. « Il est temps pour nous OSC de faire une interpellation sur la mise en place effective d’un système de protection sociale. Il faut aussi déjà préparer la population au post-crise. Nous allons travailler avec les femmes pour qu’elles apprennent à créer des petits emplois comme la couture et la gestion de budget. Ces actions vont être menées dans une condition particulière car notre OSC a dû réduire l’effectif de notre personnel et aussi réduire les salaires de nos salariés. »

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