Bâtir un leadership humanitaire au sein de la société civile dans le Sud

Le Grand Sud du pays est marqué depuis plusieurs décennies par une crise humanitaire sans précédent. Au gré de l’alternance entre périodes de récoltes, et périodes de soudure,la sécurité alimentaire dans la région force l’inquiétude. Entre autres facteurs, la sécheresse (faible pluviométrie), les invasions acridiennes et l’insécurité localisée, donnent lieu à une faible durée de couverture des besoins alimentaires par la production locale, ce qui ne permet pas de maintenir la sécurité alimentaire. Aux prémices de la pandémie de la COVID-19, les stratégies employées pour endiguer les conséquences de cette crise ont donné lieu, dans le Grand Sud, à des confinements stricts limitant les mouvements de populations et les échanges. Cette méthode de mitigation n’a pas permis à la population d’assurer normalement ses activités de subsistance. Par ailleurs, la période a été marqué par une forte morbidité, liée à l’augmentation massive de maladies extérieures à la COVID, s’expliquant notamment par un accès rendu difficile aux services de santé. D’un autre côté, la hausse des prix a entrainé une crise économique localisée et le « kere » a connu un nouveau pic.

« Près d’1.1 million de personnes font actuellement face à un niveau d’insécurité alimentaire critique. »

Classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC Mai 2022),

Dans ce contexte de crise permanente, l’ONG ASOS (Action sociale sanitaire organisation secours) s’inscrit depuis 2018 en tant qu’acteur majeur dans la réponse aux différentes crises que la zone traverse. Très tôt, l’organisation de professionnels de santé a apporté une réponse à la première vague de kere en 1998. Depuis lors, cette ONG d’envergure nationale est devenue le principal acteur d’urgence sanitaire et nutritionnelle dans le Sud. C’est d’ailleurs naturellement que lors de la pandémie de la COVID-19, l’ONG été l’une des seule OSC malagasy à avoir eu du poids sur la gestion de crise, en ayant rejoint le CCO-COVID.

Comme le décrit Dr Colas Emilien RAFANOHARANA, Coordonnateur interrégional de l’ONG dans le Sud, ASOS a pu constater, dans sa participation au comité de gestion d’urgence de la COVID-19, l’importance du rôle que joue les OSC en tant que vecteur. Entre maîtrise du contexte et proximité de la communauté d’une part, et en tant que mécanisme de redevabilité d’autre part, les OSC sont apparues comme le chaînon manquant à l’articulation des interventions. La volonté d’investir davantage ces structures dans les logiques d’intervention s’est vite fait sentir. Cependant, la capacité des OSC pour répondre aux crises, en termes de leadership notamment reste insuffisante.

Case d’habitation dans le sud de Madagascar

Force est de constater que les petites OSC ont du mal à trouver leur place dans la réponse aux crises. Elles sont souvent devancées par les plus grandes organisations, faute de moyens, alors que leur proximité avec la communauté leur confère une pertinence indiscutable et un rôle précieux.

Mission : mettre à disposition des OSC locales les connaissances et expériences pour une réponse pertinente et une coordination des OSC en situation d’urgence.

ONG Asos

La première initiative inspirée de cette mission a émergé spécifiquement en réponse à la pandémie de COVID-19 dans la région Atsimo Andrefana. L’action s’est ensuite étendue, dans une seconde initiative, aux régions Anosy et Androy.

Dans les zones d’interventions, les OSC ont été identifiées, selon des critères relatifs à l’intervention dans l’humanitaire et l’urgence, pour recevoir une formation. Celle-ci leur a permis de se renforcer en leadership humanitaire, et de renforcer leur rôle en tant que mécanisme de redevabilité et de passerelle entre la communauté et les autorités. Les OSC ont ensuite eu l’opportunité de tester et de mettre en pratique leurs acquis via des micro-projets. Elles ont en outre été regroupées en un réseau d’OSC à caractère humanitaire (ROCH).

« Dans les districts de Tuléar 1 et 2, on assiste à une réorganisation interne de chaque OSC de façon à être plus opérationnel, ce qui se traduit par la revue des organigrammes, l’acquisition d’une nouvelle vision stratégique, ou encore l’amélioration de la visibilité de l’OSC.»

Dr Colas Émilien, coordinateur national de l’association.

Au sein de ce réseau, les OSC disposent de l’espace idéal pour se partager les informations et les données de leur zone. Elles ont également la possibilité de se renforcer entre elles à travers le partage, et développer les compétences leur permettant d’agir de manière efficiente et rapide face aux défis humanitaires. Enfin, ce réseau permet aux OSC d’unir leurs voix lorsqu’il s’agit de dénoncer des mauvaises pratiques, ou de porter un plaidoyer auprès des autorités. L’ambition finale de ce réseau est d’amplifier la voix des OSC membres, afin qu’elles soient prises en compte dans l’élaboration des stratégies de l’Etat et des différentes parties prenantes.

Ces initiatives ont par ailleurs permis à l’ONG ASOS de mieux identifier les besoins de collaboration entre les différents acteurs œuvrant dans le Grand Sud : autorités locales, OSC, PTF, … Ses relations avec l’administration locale s’est enrichie, par des consultations effectives, et un souci mutuel des problématiques en termes de nutrition. Cette évolution des rapports, au-delà de l’amélioration de l’image publique des OSC, fait de ces dernières une véritable force de proposition, pour le développement de la communauté.

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