Face à la pandémie du covid-19, la société civile doit rester active.

Le vendredi 29 mai 2020 donc s’est tenu le premier débat citoyen organisé par Fanainga. Cette première édition a été réalisée en ligne à cause de la restriction de déplacement et aux mesures de distanciation sociales nécessaires pour endiguer la propagation du covid-19. Et justement, la discussion se focalisait sur la pandémie du Covid-19, ou plus exactement sur la question « quel suivi des politiques publiques par les OSC face aux urgences sanitaires liées au covid-19 »

Trois acteurs de la société civile ont été donc invité à intervenir à ce débat  :

–              Niaina Harijaona Andriamora niaina, coordinateur national du mouvement Rohy;

–              Ketakandriana Rafitoson, directeur exécutive de Transparency International, initiative Madagascar ;

–              Fanjaniaina Berthine, présidente de l’ONG Vahatra à Vakinankaratra et aussi représentante élue des OSC auprès du Copil de Fanainga.

Le débat a été animé par Carlo Merla, chef d’équipe de Fanainga, et a vu également la participation du public car il a été diffuser en direct sur la page Facebook de Fanainga.

Les intervenants ont mis en exergue dès le début de ce débat que la crise actuelle se distingue des crises socio-politiques cycliques que Madagascar a connues, et qui ont engendré des effets néfastes à l’économie du pays, du fait qu’elle touche d’autres aspects de notre société. Elle est différente car elle attaque notre liberté individuelle, celle de pouvoir circuler librement. L’état d’urgence sanitaire, qui est légal, renforce le pouvoir de l’exécutif. Si dans son esprit, il a été imposé pour protéger la population, dans la pratique, les intervenants dénoncent pourtant qu’il restreint l’accès à l’information et s’attaque à la liberté d’expression. Il menace ainsi deux droits fondamentaux des citoyens.

La crise accentue l’inégalité sociale

Pour Fanjaniaina, la crise sanitaire actuelle est toute nouvelle dans le pays. La situation amplifie la vulnérabilité de la population, augmente les risques d’insécurité et génère une réticence de la population par rapport aux décisions gouvernementales. Un ressenti qu’elle partage avec Niaina Harijaona.

En tant qu’observateur de la vie sociale, ils remarquent que la crise a mis en évidence les lacunes dans les stratégies de développement des gouvernements précédents et l’actuel en matière de protection sociale. « Ceci est le résultat de l’accumulation des erreurs que nous avons commises auparavant et qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Le manque de transparence, l’incohérence entre la décision et la réalité, les démarches de l’état qui ne sont pas toujours inclusives, autant d’erreurs que nous payons cher en ce temps de crise. » selon Fanjaniana.

Notre système de gouvernement qui est très centralisé est en effet la source de ces défaillances d’après les remarques de Niaina Harijaona. « La crise a mis en épreuve notre choix de nommer les chefs fokontany. Ils n’ont pas la légitimité requise pour exercer leurs responsabilités, ils ne sont pas non plus redevables à la population de leur circonscription. Et quand c’est la gestion de base qui est défaillante, tout le système sera handicapé. »Niaina Harijaona remarque aussi que la crise démontre que les besoins de base de la population ne sont pas encore satisfaits. Malgré les efforts entrepris, les aides sociales ne sont pas suffisantes. Pour cela, les priorités restent la sante et l’alimentation.

Plus de mobilisation, plus de coopération :

Face au Covid-19, le gouvernement a annoncé qu’il a établi un plan d’urgence. Pourtant, les OSC n’ont pas pu accéder à ce plan et il leur manque les informations nécessaires pour intervenir là où leurs actions seraient plus pertinentes. En parallèle, il est aussi très difficile de faire le contrôle parce que le plan est inaccessible. Les OSC s’organisent ainsi de leur mieux et se contentent des actions de sensibilisation, mais ces activités sont encore disparates.

À Fanjanianina de rappeler que la société civile fait partie des acteurs touchés par la crise. Plusieurs organisations ont mis leurs activités en stand-by tandis que certaines ont dû s’adapter et élargir leurs activités afin de répondre aux besoins de leurs cibles et selon leur plan stratégique. Il est également constaté que, entre OSC, il y a une volonté de se rassembler afin d’atteindre des cibles ou des objectifs particuliers.

En effet, à cause du confinement et les mesures restrictives prescrites suite à l’instauration de l’état d’urgence, beaucoup de communautés et groupes vulnérables se retrouvent isolés. Face à la dégradation sociale et économique, les OSC ne peuvent pas rester les bras croisés et doivent agir. Mais comme les défis sont parfois complexes et touchent plusieurs secteurs à la fois, les OSC ont adopté la stratégie qui privilégie la collaboration et le relai. Une stratégie qui favorise également la fluidité de circulation des informations et le partage d’expérience.

Ketakandriana se félicite alors de l’attitude des OSC face à cette crise qu’elle considère comme un défi à relever, non seulement en tant que crise sanitaire mais aussi en matière d’organisation pour les OSC. C’est une occasion de montrer la volonté de tout un chacun de vraiment travailler pour le bien de notre société. Les OSC n’ont jamais cessé de protéger les citoyens. Elles ont toujours réclamé la redevabilité. En cette période de crise, la société civile doit assumer son rôle de « watchdog ».

Cette mobilisation ne doit pas exclure les OSC informelles, car force et de constater que ces OSC travaillent d’arrachepied pour répondre aux attentes de la population dans les communautés de base. Elle souhaite ainsi « que la crise crée un élan de solidarité. Tout le monde doit assurer sa part de responsabilité car nous subissons nous-mêmes les effets de notre immobilisme. »

Niaina Harijaona rejoint ce point de vue et a pris en exemple le cas du mouvement Rohy. « Notre structure incluant nos adhérents qui se répartissent dans les communes, les districts et au niveau national nous ont facilité la collaboration et la coordination des actions durant cette période de lutte contre le covid-19. Il nous a permis de s’activer rapidement. Aussi, nous avons pu être informer des actions qui sont entreprises sur le terrain malgré la restriction de circuler imposée par le confinement dans certaines localités »

Fanjaniaina déplore cependant la fracture entre le gouvernement et des OSC. Cette fracture, voire les blocages ne sont pas nouveaux. L’État ne soutient pas la société civile mais au contraire souhaite réguler et contrôler leurs actions. « À Madagascar, il y a une méconnaissance de la société civile par l’État, surtout par rapport aux petites OSC. » précise-t-elle.

Ketakandriana confirme ce constat. Pour elle, cette mauvaise compréhension est aussi un problème civique, car les citoyens ne savent pas leur rôle. Ce n’est pas à l’État de réguler les actions des OSC. C’est aux citoyens de se former en société civile.

Pour un meilleur appui des PTF

La réponse des partenaires techniques et financiers aux besoins des OSC pour faire face à l’urgence sanitaire est assez rapide. Mais les intervenants au débat sont unanimes : les PTF ne doivent plus se contenter d’octroyer des fonds mais doivent aussi être exigeants dans la transparence de la gestion de ses financements.

Fanjaniaina constate que la crise actuelle a permis de renouveler la confiance entre les PTF et des OSC. Mais cette relation ne doit pas seulement une relation basée sur le financement. Elle plaide « pour un peu plus d’encouragement de la part de ces PTF pour que les OSC deviennent des socles de notre société. Pour que les PTF soient des vrais partenaires stratégiques et techniques, pas seulement des donneurs d’argent. »

Qu’est-ce que cette crise va nous laisser ?

Pour Fanjaniana, « Nous n’avons pas encore aucune visibilité de la situation post crise car nous ne savons pas quand est-ce que la crise va finir. Il faut capitaliser en revanche les connaissances acquises et de les analyser, d’apporter un regard neutre sur la gestion de cette crise pour obtenir un document de base pour les citoyens, les OSC et les PTF. Ce document permettra d’orienter les axes prioritaires à la sortie de cette période. »

Niaina Harijaona, quant à lui reste confiant. « La crise va renforcer notre activisme, notre volonté de collaborer, de renforcer les bases et la connaissance des rôles des OSC. Il faut que les OSC continuent de travailler, et il est temps pour le gouvernement de mettre en place une caisse d’urgence. La loi de finances doit s’adapter à cela et alloue, ne serait-ce qu’une infinie partie des fonds au suivi. »

À Ketakandriana de conclure qu’il est possible de faire les choses différemment, à commencer par le changement de comportement du gouvernement. « Cela demande de la volonté. Ni la crise, ni l’État d’urgence ne devraient pas être une excuse pour maintenir l’opacité dans la gestion des affaires publiques. Il est temps de considérer la société civile comme des alliés. Ensemble, nous réussirons à vaincre cette pandémie, et même aller au-delà de cette crise. »

Pour voir l’intégralité du débat, rendez vous sur notre chaine youtube :

L’appui à la société civile apporté par Fanainga ne se limite pas uniquement dans le renforcement de capacités et du financement des initiatives des OSC mais s’étend également vers la mise en réseau de celles-ci. Cette mise en réseau vise à donner aux OSC un espace de dialogue et de partage prend une forme de débat, où les citoyens, la société civile et les acteurs politiques peuvent discuter sur diverses thématiques. Son objectif est d’accélérer l’intérêt des citoyens sur des questions publiques à Madagascar et de favoriser l’échange d’idées entre acteurs du développement. En effet, l’appropriation des questions de société par les citoyens, favorisant la citoyenneté « active » à Madagascar, est une condition préalable à l’émergence d’une société civile forte.

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